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La foi qui tue…

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Ça fait deux ans que deux délinquants abrutis (au sens strict: rendus brutes par la religion) ont tué, entre autres, six de mes amis, dont quatre proches. Cabu, et son trait inimitable, qui extrayait un caractère d’un visage ou d’une posture. Wolinski, son humour écrit, oral et dessiné, sa joie de vivre et son sens du quiproquo. Bernard Maris, économiste de bon sens – il y en a peu! – dont l’humour diffusait ce message évident que les médias néolibéraux et ses collègues serviles occultent: l’économie doit être gérée pour tous les humains, pas contre eux. Honoré, graphiste unique, sensible, cultivé, de tous les combats pour l’humain, la culture, l’humour et… les rébus!

Charb, complice des années Charlie, dont le dessin résumait si bien certaines chroniques que j’avais parfois envie de ne laisser que le titre et le dessin. Charb, héritier de la direction d’un Charlie Hebdo exsangue: un patron voyou l’avait mis dans le pétrin de l’affaire des caricatures du prophète et s’était tiré avec la caisse! Charb, trop fidèle, trop confiant, mais si lucide, rationnel, attentif, qui avait anticipé son sort. Qui adorait les enfants, mais n’en voulait pas. Le missionnaire laïque luttant contre les impostures religieuses et politiques. Communiste, parce que c’est la seule alternative connue à l’horreur capitaliste, même si les essais à grande échelle ont été aberrants. Pro-palestinien, parce que l’apartheid sioniste en Palestine est insupportable. Cherchant à comprendre et expliquer l’islam par son Coran en bandes dessinées, tout en dénonçant, sans ambiguïté, les horreurs fondamentalistes. Difficile d’avoir raison contre presque tous, et surtout contre les fous de dieux!

Et puis Tignous, si sensible, si drôle par ses expressions, ses mimiques, ses dessins, ses traits d’esprit, ses fautes d’orthographe… Sa seule arrivée, en retard bien sûr!, déclenchait la bonne humeur, l’hilarité générale ou un rire collectif. Tignous, l’homme qui m’a le plus fait rire (la concurrence est rude dans ce domaine!). Mais aussi tellement attentif et bienveillant. Toujours prêt à s’excuser ou à vérifier que sa vanne ne faisait pas trop de dégâts.

Dans le Charlie Hebdo Spécial de la semaine qui se termine (n° 1276, 4-1-2017), vous retrouverez les survivants, les remplaçants et leurs interrogations sur pourquoi tout ça, d’un bout à l’autre du journal. Une belle illustration de Coco montre l’ambiance de la salle de rédaction, semblable à celle que j’ai connue il y a treize ans, même si bien des têtes ont changé. Même si l’on y accède aujourd’hui comme à un QG militaire et si des collaborateurs ne se déplacent qu’avec des gardes du corps.

On reste muet devant cette absurdité: des dessinateurs humoristes vivent des vies d’agents secrets parce que des illuminés du livre vert ont décrété leur mort, en Arabie ou en Syrie. Parce que des humains, fanatisés par des cyniques en djellaba, sont prêts à se suicider pour tuer des gens dont ils ne savent rien. A la direction plutôt pro-israélienne de Charlie, Charb était un des rares pro-palestiniens et connaisseur du monde arabe. C’est sans doute ce qui en a fait l’objectif principal des djihadistes et de ceux qui pensent pour eux.

L’affaire Charlie, j’en parle pour l’avoir vécue avec mes tripes. Mais aussi parce qu’elle est exemplaire des aberrations de comportements qui précipitent notre civilisation vers la catastrophe. Il y a d’abord la soumission des assassins armés à une autorité dont ils ne savent rien et qu’ils ne comprennent pas. C’est pareil dans les armées et beaucoup d’entreprises? Bien sûr! Il y a des gens à qui l’on fait croire, dire et faire n’importe quoi, au nom de textes antiques aberrants, mal connus et auxquels ils ne comprennent pas grand-chose? Que l’on met dans des états mentaux tels qu’ils peuvent tuer des inconnus sans savoir pourquoi? Affirmatif!

* Chroniqueur énervant.

PS. Légère consolation: la réédition ou l’édition des œuvres complètes des victimes. Dans les bonnes librairies, on évitera les livres de commentaires opportunistes immondes comme celui d’Emmanuel Todd.

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lundi 8 janvier 2018

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