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Le terrorisme et la «simplexité» de dieu

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Décider d’une action est chose compliquée pour nos cerveaux, assaillis par trop d’informations du milieu traduites par nos sens, encombrés par nos souvenirs, nos cultures, nos conditionnements, noyés dans les émotions provoquées par nos hormones et nos perceptions. Ce monde est trop complexe pour y faire le tour de toute question et décider selon les seuls critères de la logique et de la rationalité bien informées. Alors, par des mécanismes encore mal connus, notre cerveau trie. D’abord parmi les informations sensorielles dont seule une petite partie devient consciente, par le biais de l’attention. Le reste est géré par des automatismes, comme notre respiration ou notre circulation sanguine. Un autre tri se fait par l’évocation de souvenirs pertinents dans une situation donnée, les seuls évoqués au niveau de la conscience. Attention et conscience ont des capacités limitées et ne traitent qu’une partie, très sélectionnée, des affaires en cours. Le reste est géré, hors conscience, par des automatismes physiologiques qui règlent nos postures et nos déplacements ou par des conditionnements physiques ou culturels qui permettent, par exemple, de conduire en pensant à autre chose, tout en veillant à la bonne exécution de l’action. Bien conduire une voiture semble simple, alors que cela suppose une intégration complexe des informations sur la route, la vitesse, l’itinéraire, le fonctionnement des éléments mécaniques et techniques, les choix et les tris inconscients dans le cerveau du conducteur. Qui, en général, ne connaît pas plus le fonctionnement de son cerveau que celui de son moteur. La simplicité de l’action repose sur les complexités des mécanismes neurobiologiques et mécaniques qui la permettent et la rendent simple. Redéfinissant une vieille notion, Alain Berthoz1 value="1">Alain Berthoz, La simplexité, O. Jacob, Paris, 2009. qualifie de simplexité cette situation où un agent commande, par des décisions conscientes simples, des mécanismes d’exécution complexes et des conditions de réalisation en grande partie ou totalement inconscientes.

La simplexité évite la saturation de notre attention et de notre conscience en automatisant tout ce qui peut l’être et en les focalisant sur l’essentiel à notre survie ou à nos projets. En contrepartie, tout ce qu’elle gère échappe à l’analyse logique détaillée, le plus souvent trop complexe et trop longue pour être mise en œuvre dans les délais disponibles. S’il vaut mieux avoir un réflexe d’évitement face à un projectile que d’étudier sa trajectoire, décider d’un choix crucial non urgent par réponse à une émotion, un conditionnement ou une provocation n’est pas la bonne solution. Les lois en général, et en particulier les lois théologiques des religions révélées, sont intégrées par l’éducation de manière à répondre par la même simplexité aux indécisions que les humains peuvent éprouver devant la complexité des situations auxquelles ils sont confrontés. Le conditionnement est renforcé par le fait qu’il est partagé et tend vers l’unanimité de la communauté. Tout déviant devient la cible de tous les autres et risque les sanctions suprêmes, dont l’exclusion du groupe. Certaines règles des lois civiles relevant du simple bon sens, comme la tolérance, sont nécessaires à toute communauté durable. Mais les lois religieuses les négligent souvent et se complètent de foules d’arbitraires pour se distinguer les unes des autres par les cultes, les interdits et les prescriptions, les déguisements et l’intolérance. En particulier dans les religions monothéistes excitées par l’illumination des prophètes, la compétition politique et le prosélytisme des prêtres. Au moins, s’il y a plusieurs dieux, il reste peut-être des options possibles entre Ganesh et Vishnou, Zeus ou Bacchus…

Au final, les dieux, les gourous, les psychanalystes et les sorciers sont des auxiliaires précieux pour décider dans l’incertain et échapper aux douloureuses crises existentialistes. Mais leur simplexité ouvre grand la porte à tous les fanatismes, à tous les terrorismes…

Notes[+]

* Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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