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Financement des soins en EMS

(Re)penser l'économie

Avenir Suisse, le laboratoire d’idées néolibérales, vient de publier une nouvelle étude relative aux soins à domicile aux personnes âgées ou dans les établissements médico-sociaux (EMS)1 value="1">http://www.avenir-suisse.ch/fr/57164/de-nouvelles-mesures-pour-les-soins. Constatant que la part des personnes âgées de plus de 80 ans est en hausse et que les coûts de la prise en charge des personnes dépendantes progressent, l’étude d’Avenir Suisse porte en avant une nouvelle mesure de financement dont on peut imaginer qu’elle va être reprise par la droite parlementaire suisse.

Selon les auteurs de cette proposition, il n’est pas normal que les affiliés jeunes des caisses maladie paient avec leurs cotisations pour une partie des soins aux personnes très âgées, lesquelles, naturellement, occasionnent une part importante des dépenses de santé et de prise en charge, surtout dans leurs dernières années de vie.

Le postulat de départ donne une idée de la vision du monde défendue par Avenir Suisse. Il n’est pas «normal» que les jeunes cotisent pour les vieux, que les bien-portants paient pour les malades, que les salariés assument l’AVS pour le compte des retraités actuels, que les riches paient pour les pauvres… On peut ainsi allonger à l’infini ce qui est considéré comme anormal par les tenants du néolibéralisme. La solidarité est un concept inconnu pour les néolibéraux, sauf lorsqu’il s’agit de défendre leurs intérêts de classe comme, par exemple, dans la fiscalité directe des personnes physiques ou des entreprises.

Revenons au modèle de financement mis en avant par l’étude. Il est proposé de créer un capital-soins, obligatoire et individuel. Ce capital servirait à financer les soins liés à l’âge, que cela soit à domicile ou en EMS. L’obligation de cotiser débuterait à 55 ans et se terminerait à l’âge moyen d’entrée en EMS, c’est-à-dire actuellement vers 85 ans. Pas question d’un financement par un prélèvement sur les salaires avec participation de l’employeur car cela renchérirait le «coût» du travail. Ce serait ainsi une simple prime par tête comme pour une assurance-vie. Bien évidemment ces primes seraient déductibles pour le calcul de l’impôt. Dès lors, chacun cotiserait sur un compte individuel pour assurer les soins de sa propre vieillesse et, en cas de décès, le capital restant, cas échéant, reviendrait aux héritiers.

Cette fois on est rassuré: avec un tel modèle, aucun risque d’apercevoir la moindre trace de solidarité sous quelque forme que ce soit… Les auteurs de l’étude ont évalué le montant des primes nécessaires: la prime moyenne varierait entre 235 francs et 255 francs par mois. Et pour celles et ceux qui n’ont pas les moyens de payer une telle prime, alors là, il faudra que l’Etat intervienne en les subventionnant.

L’étude d’Avenir Suisse a cependant un mérite: celui de mettre le doigt, à partir de la question spécifique du financement de la prise en charge des personnes âgées, sur le fait fondamental que, dans une économie capitaliste, les salariés ne sont pas payés pour l’entier des coûts d’entretien de leur force de travail de la naissance à la mort. Sitôt quittée la sphère du travail, les revenus des ex-salariés ne peuvent être constitués que de leurs économies ou du produit des assurances sociales. C’est donc ces dernières qui pallient cette contradiction fondamentale.

Ainsi, les assurances sociales constituent en quelque sorte un salaire différé. C’est cette part du salaire que les milieux néolibéraux cherchent à remettre en cause par le biais de systèmes d’assurance privée et individuelle sur le modèle de l’assurance vie. Et pour que cela fonctionne, alors, rendons-le obligatoire! Vive la liberté!

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* Membre de SolidaritéS, ancien député.

Opinions Chroniques Bernard Clerc

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