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Le monde n’est pas parfait!

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Le monde peut être merveilleux, mais pas parfait! L’émerveillement est une émotion devant une beauté ou une performance qui semble dépasser le réel quotidien. La perfection est un absolu de bien, qui n’a de sens que par une définition de ce bien; laquelle ne va pas de soi sans mal antithétique. On peut voir du merveilleux si des circonstances «nous dépassent». Il est impossible de voir du parfait dans un monde où le «mal» ne cesse de remettre le «bien» en question.

L’erreur de l’évêque Paley et de tous ceux qui, sans le savoir, s’en inspirent encore, est d’avoir confondu parfait et merveilleux dans sa Théologie naturelle. Croyant que le monde qui l’émerveillait était parfait, il en déduisait l’existence d’un créateur parfait. Bref, le monde parfait prouve l’existence du créateur parfait qui ne pouvait créer qu’un monde parfait! Cherchez l’erreur dans la tautologie, ou bien expliquez les désastres et douleurs du quotidien dans un système pareil… Pourtant, ces sottises se propagent en émerveillant les foules aliénées des églises, des temples, des synagogues, des mosquées, des cercles philosophiques, sinon les meetings politiques et sportifs. La perfection appelle un bien absolu dépourvu de sens sans un mal absolu à imputer aussi au créateur prétendu unique. Le plus drôle est que l’idée religieuse de la perfection du monde a infiltré les mouvements idéologiques, sociaux et scientifiques les plus antireligieux. Point n’est besoin de rappeler la recherche de l’humain parfait, avec des critères bien différents, dans le communisme ou le nazisme, mais aussi dans l’eugénisme, consensuel avant la Deuxième Guerre mondiale pour améliorer le sort des générations futures, aux dépens des actuelles. La conjonction du darwinisme mal interprété et du capitalisme en Angleterre a contribué à la réfutation de la Théologie naturelle. Le monde n’était plus parfait, mais il le deviendrait sous l’effet de la sélection naturelle, ainsi que de la sélection artificielle inventée par les humains pour, disaient certains, «poursuivre l’œuvre divine». Dieu n’était plus parfait: il n’avait pas fini son boulot, ses créatures se tapaient le reste! Dans ce processus, une autre idée aberrante prospère, celle de l’inéluctable progrès: la sélection, l’évolution si l’on y croit, ne peuvent qu’améliorer les espèces et les sociétés, par l’élimination des faibles, la compétition généralisée, la «lutte pour la vie» et le triomphe des forts. Tout ce qui s’oppose à la sélection, naturelle ou artificielle, et à la compétition ne peut conduire qu’à la dégénérescence de ces espèces et sociétés. Le néolibéralisme, qui élimine ou asservit les «inadaptés» au profit de l’élite performante, était inventé. Avec ou sans dieu(x), ce n’est pas son problème! Il a fallu attendre les années 1970 à 1990 pour que cette idéologie simpliste et nauséabonde se traduise en biologie et psychologie par les naissances de la «sociobiologie», puis de la prétendue «psychologie évolutionniste». L’idée de base de ces «sciences», qui prospèrent chez les Anglo-Saxons, est simple: tout caractère ou comportement d’un être vivant résulte d’une «optimisation» (amélioration maximale) par la compétition et la sélection naturelle. Comme celles-ci agissent par la mortalité et la fécondité différentielles, les êtres vivants sont des machines évoluantes dont le seul effet est d’améliorer les performances reproductrices de leurs gènes!

Dès le début du XXe siècle, le naturaliste anarchiste Kropotkine montrait que la nature offre de multiples exemples de coopération, entre les individus ou entre les espèces, et que la compétition n’a rien de général. Et puis il ne faut pas chercher loin dans la merveilleuse complexité du vivant pour trouver des anatomies, des physiologies, des comportements aberrants qui confirment que la sélection naturelle ne fabrique pas de l’optimum, mais surtout des «bricolages» imparfaits qui répondent à son seul vrai critère: le minimum nécessaire en matière de survie et de reproduction!

* Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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