La Suisse en pleine contradiction
Avec le nouvel accord sur le climat issu de la conférence de Paris (COP21), tous les pays se sont mis d’accord, pour la première fois, de ne pas dépasser un réchauffement global de 1,5-2°C. Ce consensus a pu être atteint seulement parce que le nouveau traité mise sur la responsabilité propre des pays signataires. Le prix immédiat de ce succès va être payé avant tout par les pays en développement.
D’abord ils doivent, au-delà des tâches de développement, consacrer leurs moyens limités également à la protection contre le changement climatique, dont pour une large part ils ne sont pas responsables. Ensuite on attend d’eux qu’ils misent à l’avenir sur des systèmes énergétiques et des infrastructures «climatiquement neutres». Cela représente des coûts additionnels par rapport aux approches conventionnelles, donc de nouveaux moyens financiers. L’accord de Paris ne dit pas cependant où trouver l’argent nécessaire. Il se limite à en appeler à la responsabilité des Etats membres (riches).
Selon l’accord de Paris, les pays très développés doivent aussi assumer leur responsabilité dans le soutien aux pays exposés aux conséquences croissantes du changement climatique, surtout ceux qui manquent de ressources et n’y sont pour rien. Ce sont de nouvelles exigences qui ne peuvent être remplies par la coopération au développement traditionnelle, dont le but est de réduire la pauvreté existante. Financer des projets climatiques avec le budget de la coopération internationale revient à miner l’objectif et l’efficacité de cette dernière.
Le Conseil fédéral le reconnaît d’ailleurs en principe dans sa réponse à l’interpellation Nussbaumer (15.3990) du 18 novembre 2015: «Vu l’ampleur et la portée du changement climatique, d’autres sources de financement en plus de l’aide publique au développement doivent être mobilisées.» Il fait référence ici au rapport à réaliser en réponse au postulat récemment adopté par la Commission de politique extérieure du Conseil national (15.3798). Cette étude devra montrer «les contributions possibles de la Suisse au financement international sur le climat à partir de 2020, ainsi que les différentes options de financement».
Toutefois, le message sur la coopération internationale présenté en février au parlement (crédit-cadre 2017-2020) suscite des doutes. Pour empêcher une nouvelle pauvreté induite par le climat, le Conseil fédéral entend utiliser précisément l’aide au développement. Concrètement, «les moyens contribuant à la lutte contre le changement climatique se montent à quelque 300 millions de francs par an, soit environ 12,5% des moyens de la coopération internationale sur la période 2017-2020». De même, la déclaration suivante est tout sauf rassurante: «D’ici à ce que d’autres moyens soient trouvés, la Direction du développement et de la coopération s’assure que les fonds pour le climat provenant du présent crédit-cadre sont pertinents pour le développement.»
Alliance Sud va donc exiger de plus en plus l’élaboration de nouveaux modèles de financement pour les projets climatiques dans les pays en développement. Car – mesurées par rapport à la responsabilité globale – les contributions de la Suisse au financement international du climat vont devoir croître jusqu’en 2020 à plus d’un milliard de francs par an. Cela, dans le respect de l’accord de Paris, c’est-à-dire sans que le droit au développement soit mis en danger.
* Politique internationale environnementale et climatique, Alliance Sud, www.alliancesud.ch/fr; paru dans la revue Global+ n° 59, Printemps 2016.