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Mauvaise foi

(Re)penser l'économie

La majorité de droite du Conseil municipal de la Ville de Genève incluant le MCG (qui, comme chacun le sait, n’est «ni de gauche ni de droite»…) a voté un budget amputé de 9 millions au prétexte notamment de l’importance de la dette. Ces coupes vont toucher entre autres la culture et le social par le biais de réductions de subventions. Le budget initial voit ainsi son boni augmenter à 15 millions. Oui vous avez bien lu: il s’agit d’un boni supérieur à celui budgété. Examinons les comptes et le bilan de la Ville de Genève pour voir si le catastrophisme affiché par la droite se justifie.

De 2004 à 2014, les comptes de la Ville ont présenté des exercices bénéficiaires pour un total de plus de 667 millions. 2013 est la seule année déficitaire en raison de la recapitalisation de la Caisse de pension de la Ville qui s’est élevée à 119 millions. Recapitalisation, notons-le, résultant d’une loi voulue par la droite au niveau fédéral exigeant des caisses publiques qu’elles atteignent un taux de couverture de 80%. Sans cette contribution, les comptes de l’année 2013 auraient présenté un boni de 84 millions.

Sur la même période, la fortune de la Ville est passée de 368 à 966 millions, soit une augmentation de 163%! Quant à la dette, qui correspond à des dépenses d’investissements, elle a diminué de 1,685 milliard à 1,510 milliard, soit une baisse de 10%. Au regard de l’année 2007 où la dette a atteint son plus haut niveau, à savoir 1,840 milliard, la réduction atteint même 18%. Enfin le taux d’intérêt moyen payé pour cette dette se situe à 1,3%.

Vous l’aurez compris la situation financière de la Ville est bonne et c’est faire preuve de mauvaise foi que de voter des mesures restrictives au prétexte du niveau d’endettement. Comme me le disait un ami, ancien conseiller municipal: «Je suis d’accord de reprendre la dette de la Ville de Genève avec les actifs de la municipalité… je ferais une excellente affaire!»

Il ne faut donc pas chercher des raisons économiques immédiates dans les décisions de la droite du Conseil municipal mais d’autres motivations. Je n’attacherais pas d’importance à la volonté de la nouvelle majorité de s’affirmer, tout le monde sait que la droite est redevenue majoritaire au Conseil municipal. En revanche, on retrouve derrière ces coupes les lignes de force de l’approche néolibérale, même si elles peuvent paraître «anecdotiques» en tant que telles. A savoir réduire la place qu’occupent les collectivités publiques au regard de la production de richesses en utilisant le levier des baisses d’impôts. En effet, il est intéressant de constater que les mêmes partis qui ont décidé de ces coupes au niveau municipal ont voté sur le plan cantonal des baisses de recettes fiscales annuelles de plus d’un milliard depuis 1999. En outre, ils soutiennent la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) au prétexte de la suppression des régimes fiscaux spéciaux. Cette réforme aura des impacts importants non seulement pour le canton mais également pour les communes, avec des diminutions de recettes de plus de 600 millions, sans compter les effets induits que personne n’est en mesure d’estimer. Enfin, ces mêmes partis soutiennent un projet de suppression de la taxe professionnelle payée par les entreprises qui affecterait sérieusement les finances communales. Celle-ci rapporte en effet environ 120 millions par an.

Alors, Mesdames et Messieurs les élus de la droite, ne vous cachez pas derrière la dette de la Ville ni derrière la situation économique. N’anticipez pas des rentrées fiscales en baisse que vous avez par ailleurs d’ores et déjà réduites de votre propre volonté depuis plusieurs années. Ne soyez pas de mauvaise foi et dites clairement que ce que vous ne supportez plus, c’est la place, pour vous trop importante, qu’occupent les collectivités publiques dans notre société.

* Membre de SolidaritéS, ancien député.

Opinions Chroniques Bernard Clerc

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