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«Le lait nous fait vivre»

AGORA SOLIDARTÉ • Solidar Suisse s’emploie à développer le secteur laitier au Kosovo. Objectif: réduire le taux de chômage dans les zones rurales.

 

Les zones rurales du Kosovo n’offrent guère de sources de revenus et le chômage y est élevé. La guerre, à la fin des années nonante, a mis à mal l’économie laitière traditionnelle, qui se reconstruit à grand-peine: d’une part, la production indigène ne parvient pas à concurrencer les produits subventionnés des pays voisins; d’autre part, elle souffre d’un problème d’image dû à la qualité du lait.
Comme l’Etat ne fixait aucune exigence, les laiteries contrôlaient elles-mêmes le lait pour en fixer le prix. «D’où une grande méfiance chez les paysans», raconte Donika Nila, qui travaille pour le projet pilote, soutenu par Solidar Suisse, visant à améliorer la qualité du lait. Deux fois par mois, elle visite les exploitations participant au projet, prélève des échantillons de lait pour les faire analyser par un laboratoire indépendant et dispense des conseils sur l’hygiène et les techniques de traite. Donika nous emmène chez Vlora et Dukagjin Deda, dont les 40 vaches produisent chaque jour 700 litres de lait, récupérés dans un circuit fermé. L’étable est grande et claire, les vaches très propres. Ici, les exploitants n’ont guère besoin de conseils. Vlora Deda nous montre fièrement les bêtes, dont certaines ont été primées. Le couple est très content de la mise en place des contrôles indépendants: «Les disputes au sujet du prix n’en finissaient pas.»
Les conseils de Donika Nila sont toutefois très utiles aux plus de 70% de paysans qui ne possèdent que cinq à neuf vaches, qu’ils traient à la main. Pour améliorer la qualité du lait, la jeune femme leur distribue aussi du désinfectant et leur explique comment nettoyer les récipients à lait. «Le plus urgent consiste à accroître l’hygiène, explique-t-elle. Certaines fermes n’ont pas l’eau courante, ni l’équipement requis pour traire et entretenir l’étable.» De plus, les centres de collecte de lait sont trop peu nombreux, de sorte que les producteurs des villages éloignés ne peuvent pas y amener tout leur lait, alors que les capacités des laiteries demeurent sous-utilisées.
Une partie du lait est ainsi écoulé sur le marché «vert». Les petits paysans le vendent au bord de la route ou sur les marchés locaux: la vente directe leur rapporte un meilleur prix, mais l’hygiène laisse à désirer et les contrôles de qualité sont inexistants. «Ils ne sont pas sûrs de pouvoir vendre tout leur lait. De plus, ils doivent aller au marché en bus. En été, une partie du lait tourne pendant le transport», commente Donika Nila, en relevant les inconvénients de ce système. Le projet vise dès lors à atteindre tous les paysans, afin qu’ils ne soient plus obligés de vendre leur lait sur le marché «vert». Notre guide affirme encore: «En pratiquant des prix de dumping, ils nuisent à leurs collègues. Et la mauvaise qualité de leur lait nuit à l’image du secteur.» Aujourd’hui, 1600 productrices et producteurs sur 4000 prennent part au projet visant à améliorer la qualité du lait.
Naguère, les paysans du hameau de Has versaient leur lait dans des bidons en plastique, qu’ils amenaient en tracteur à la laiterie du village le plus proche. Pour leur simplifier la vie, l’association paysanne Krusha a ouvert en mai 2011, avec l’appui de Solidar Suisse, un centre de collecte à Has. Les 20 productrices et producteurs locaux y livrent désormais leur lait, qui est refroidi puis transporté à la laiterie. La qualité du lait s’est ainsi sensiblement accrue. La ferme de Kade Ninaj, l’une des productrices, ne ressemble en rien à celle du couple Deda. Six vaches se tiennent dans une étable petite et sombre, dépourvue d’eau courante et de machine à traire. «Mon mari et moi sommes sans emploi, soupire Kade Ninaj. Nous trayons nos six vaches à la main. Le lait nous fait vivre, nous et nos deux enfants. Grâce au centre de collecte, nous pouvons désormais en livrer davantage.»
 
 

 

* Article paru dans le magazine Solidarité (mai 2012) de Solidar Suisse, l’œuvre d’entraide des syndicats et du Parti socialiste suisse: www.solidar.ch
 
Solidar favorise le dialogue entre producteurs, laiteries et autorités, afin de faire évoluer le secteur laitier et de le doter d’une réglementation claire. Grâce aux nombreux conseils dispensés, les associations paysannes et les groupements de laiteries préconisent aujourd’hui des réformes, qui profiteront à tous les acteurs du secteur, ainsi qu’aux consommatrices et aux consommateurs. Et même les autorités sont de la partie: la mise sur pied de contrôles indépendants du lait cru occupe une place de choix dans la nouvelle stratégie de développement du Ministère de l’agriculture. www.solidar.ch/lait
Opinions Agora Katia Schurter

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