Contrechamp

Cela fera une différence

L’initiative populaire «Contre la violence des armes» est une démarche importante pour lutter en Suisse contre la violence domestique et le suicide. C’est pour cela que la FMH, la Fédération des médecins suisses, par une décision très nette de son Assemblée des délégués, a décidé de soutenir le «oui».
Soyons d’emblée clairs: il ne s’agit pas, par cette initiative, de combattre la grande criminalité et les bandes organisées – le prétendre est faux et dessert la cause que nous souhaitons défendre. Tout au plus, dans ce domaine, l’initiative permettra-t-elle à la police d’intervenir parfois de façon plus sûre.

Non, ce que l’initiative vise d’abord, c’est à diminuer la violence dans nos foyers, violence envers les autres, violence envers soi-même, explosions de colère meurtrières.
On sait que le taux de suicide en Suisse est particulièrement élevé en comparaison mondiale – et le taux de suicide par armes à feu est même encore plus consternant, avec plus de trois fois la moyenne européenne: 34/100 000 habitants, soit 240 morts/année. Et sans vouloir catégoriser ces décès dans un palmarès macabre, il faut savoir que les suicides par arme à feu concernent tout particulièrement les hommes jeunes de notre société.
Alors oui, il vaut la peine de ranger les armes militaires à l’arsenal: cela fera une différence! Cela fera une différence parce que les gens qui envisagent de se tuer l’imaginent selon une méthode dont ils ne changent pas facilement. Quoi qu’en disent les partisans du statu quo, le fait qu’une arme ne soit pas immédiatement disponible ne pousse pas les personnes suicidaires à «faire autrement» – c’est un fait scientifiquement avéré: des armes moins disponibles diminuent réellement le nombre de suicides.

Cela fera une différence parce que parmi ces suicides par arme à feu, une forte proportion (environ 25%) sont des «suicides impulsifs», un acte «décidé» subitement et mis en oeuvre parce qu’une arme est là, dans l’armoire du corridor, derrière la porte du grenier, dans un tiroir. On sait que si cette impulsion ne trouve pas de concrétisation dans l’heure, elle s’éteint souvent par elle-même et que beaucoup des gens concernés ne se suicideront pas. C’est ce que la journaliste Ariane Dayer appelait récemment «les dix secondes où tout est possible».
Les chiffres récemment publiés par l’Office fédéral de la statistique montrent exactement ce que nous prétendons: entre 1999 et 2008, sans doute à la suite de la réforme «Armée XXI», le nombre de ménages disposant d’une arme à feu a baissé de 35% à 28%. Dans le même temps, le nombre de suicides par arme a feu a diminué de 392 à 239 par année, et le nombre de suicide total, en Suisse, de 1419 à 1313 par année. Que dire de plus?

L’initiative «contre la violence des armes» semble avoir ses chances, si l’on lit les derniers sondages parus. Ne nous laissons pas aller, et continuons la campagne avec une énergie redoublée: on ne peut pas laisser passer l’occasion de sauver ainsi, dans nos foyers, des dizaines de vies chaque année.

JACQUES DE HALLER,

PRÉSIDENT DE LA FMH

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