DÉJOUONS LA VIOLENCE
Sujet sensible et tabou, la violence dans le couple et la famille reste difficile à aborder. Qu’il s’agisse de la souffrance de proches ou de voisins, que les cris et la peur se soient installés au sein de sa propre intimité, les sentiments d’impuissance et de honte, souvent dominants, doivent être combattus. Le service ViFa, à Lausanne, lutte contre ce phénomène en permettant aux auteurs de remettre en question et faire cesser les violences exercées tant auprès de leur compagne que de leurs enfants. En dix ans, ViFa est intervenu auprès de plus de cinq cents auteurs de violences et autant de familles. Dans le canton de Vaud, ces chiffres restent encore trop modestes au regard de l’ampleur du problème.
Afin de contribuer à améliorer la lutte contre les violences, ViFa a lancé, à l’occasion de son 10e anniversaire, une campagne d’information visant deux objectifs: faciliter l’accès à ViFa pour les personnes impulsives et contribuer à réviser certains jugements erronés sur la violence dans le couple. Stands d’information, théâtre de rue, conférences et ateliers de formation ont été proposés tout au long de l’année. Le 28 novembre au Casino de Montbenon, une soirée de fête couronnera cette première année. Un partenariat avec le Subject Film Festival permettra d’ouvrir cette campagne à un public panaché, en offrant la découverte de regards croisés d’artistes sur la thématique du couple et de l’amour (lire ci-contre).
Les idées reçues sur la violence constituent une des difficultés majeures pour lutter contre ce phénomène. L’idée que «la violence conjugale ne touche que les personnes étrangères, au chômage, alcooliques» reste très largement répandue, même auprès des professionnel-le-s. Or ce problème touche toutes les classes socioculturelles. En Suisse, une personne sur cinq est concernée. Chacun-e d’entre nous connaît donc quelqu’un dans son entourage professionnel ou personnel qui pourrait avoir besoin de soutien. En 2008, plus de vingt femmes sont décédées en Suisse, suite aux coups portés par leur partenaire: ce n’est hélas que la pointe de l’iceberg! Quelques hommes sont aussi touchés, mais plus rarement au péril de leur vie.
Les enfants subissent les conséquences de ces violences. La transmission de la violence n’est pas une fatalité. Toutefois la violence s’apprend. La majorité des personnes qui se rendent à ViFa ont été confronté-e-s à la violence dans leur passé. Dans ces situations, les enfants sont aussi victimisés, car l’exposition visuelle ou auditive aux violences est la règle. En 2009, l’accent de la campagne ViFa porte donc sur les conséquences délétères des violences conjugales sur les enfants. Les enfants n’étant que rarement en mesure de demander de l’aide, la responsabilité de chaque citoyen-ne est engagée.
Certains stéréotypes contribuent à déresponsabiliser les auteurs et culpabiliser les victimes. Ces représentations conduisent souvent l’entourage à ne pas agir. Le recours à la violence est une tentative de reprendre le pouvoir, même si l’auteur à l’impression de «péter les plombs», «de perdre le contrôle», de ne «pas se reconnaître» dans ses gestes. Les femmes victimes sont encore trop souvent tenues pour responsables de la violence qu’elles provoqueraient chez leur conjoint. Cette vision est du même ordre que justifier le viol par le port de la minijupe et victimise une deuxième fois de nombreuses femmes. Si chacun-e est bien sûr responsable de ses attitudes provocatrices, ces dernières ne justifient en aucun cas des violences exercées en retour.
S’occuper des auteurs augmente la sécurité des enfants et de toutes les personnes impliquées. Le travail auprès des auteurs suscite souvent l’incompréhension, voire le rejet. Pourtant, ce type d’intervention est complémentaire au soutien des victimes et des enfants. Les hommes qui perdent leur compagne cherchent à en retrouver une très rapidement sans qu’il y ait remise en question de leur comportement: la violence se répète avec une multiplication des victimes. Les enfants pris au piège d’une relation de violence entre leurs parents peuvent également être aidés si les parents entreprennent une démarche pour changer de comportement. Des femmes sont confrontées à de nombreuses difficultés les retenant de quitter leur conjoint et finissent parfois par répondre à leur conjoint par la violence, jusqu’à l’homicide. Il arrive parfois aussi qu’elles déplacent les violences subies sur les enfants. Enfin, certaines ne souhaitent pas quitter leur partenaire mais que ses comportements violents cesent.
Les programmes de ViFa s’inscrivent en tant que mesures complémentaires aux mesures répressives. Ils permettent à des hommes – qui sont souvent pères de famille – «de modifier leurs comportements et de développer des facteurs de protection. Ils contribuent ainsi à la sécurité des femmes et des enfants sur le long terme»1. Actuellement, quatre programmes ViFa permettent à des hommes, des femmes et des adolescent-e-s à mettre un terme à la violence, qu’elle soit physique, verbale, psychologique ou sexuelle. ViFa accueille ces personnes, qu’elles soient encore en couple ou en situation de séparation, dans une relation hétéro ou homosexuelle, volontaires ou contraintes par la justice.
Dans le cadre de ses perspectives d’évolution pour 2010, ViFa a ouvert un Programme pour des auteurs condamnés et soumis à une mesure. Cette innovation articulant la sanction et le soin permettra d’augmenter l’accès à cette catégorie d’auteurs. L’objectif d’ici fin 2010 est d’atteindre plus de 50% de la capacité du programme. D’autre part, grâce au soutien de ses donateurs, ViFa poursuivra la campagne «Déjouons la violence» en 2010. I
* Violence et Famille (ViFa) est un service de la Fondation Jeunesse et Familles (FJF), dans le canton de Vaud. Pour tout renseignement ou un premier entretien d’accueil gratuit: ViFa, av. Vinet 19-19bis, 1004 Lausanne, tél: 021 644 20 45, www.vifa.ch, www.fjfnet.ch/Violence
ViFa a besoin de votre soutien: CCP 17-305270-6 ou www.fjfnet.ch/Dons
1 S.Lorenz (et al.) 2005 «Générer un changement chez les hommes ayant des comportements violents dans le couple et la famille: Modalités et contexte d’intervention».