Des économies minimes
L’introduction de la nouvelle tarification des analyses médicales adoptée par Monsieur le conseiller fédéral Pascal Couchepin le 29 janvier dernier a engendré la parution de nombreux articles de presse dont la majorité invoque la situation des cabinets médicaux. Il nous paraît indispensable de rappeler que notre pays comprend de nombreux hôpitaux publics ou encore universitaires tels que les HUG (Hôpitaux universitaires de Genève) ou le CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois) pour la Suisse romande, dans lesquels les laboratoires d’analyses médicales sont un pilier incontournable de toute l’activité médicale.
Nous regrettons que l’image de notre profession donnée dans ces articles soit réduite à celle de l’assistante médicale dont l’activité principale est l’assistance du médecin alors que le personnel de laboratoire a un titre: technicienne et technicien en analyses biomédicales (TAB, anciennement laborantine médicale) avec un niveau de formation et de compétences élevés. Ces derniers sont à la base de l’exécution de toutes les analyses de jour comme de nuit, 7 jours sur 7, 365 jours par an, en ayant toujours le patient en point de mire.
Nous avons étudié très attentivement le document de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) qui prétend économiser 250 millions de francs. Celui-ci est truffé d’incohérences. Pour nombre d’analyses, le prix prévu par la nouvelle liste ne couvre même pas le coût des réactifs auxquels il faut encore ajouter les frais relatifs à d’autres facteurs tels que les appareils (achat, entretiens, contrats de maintenance, programme de contrôle de qualité, amortissement), les locaux (loyer et autres charges) et finalement le personnel.
Ces nouveaux tarifs ont été établis sur la base de ceux pratiqués dans de très grands laboratoires privés allemands. Or la situation en Suisse ne peut pas être comparée à celle de l’Allemagne dont la taille et la structure des laboratoires sont totalement différentes des nôtres. Notre système est basé sur un réseau de proximité ayant fait ses preuves et auxquels tous les acteurs du domaine du laboratoire sont attachés. Il sera dès lors très tentant pour certains prestataires de déléguer ce type d’analyses «trop onéreuses» aux laboratoires des hôpitaux publics dont le contribuable en épongera, une fois de plus, le déficit. Les délais d’attente pour les patients, les débuts de traitements retardés et la diminution inévitable de la qualité des résultats ne sont évidemment pas chiffrables mais les instances décisionnelles ne veulent hélas pas en entendre parler.
Les coûts de laboratoire constituant mois de 3% des coûts totaux de la santé publique en Suisse, le potentiel des économies est minime alors que les coûts provoqués par un diagnostic de laboratoire insuffisant dépassent largement ce potentiel d’économies. La diminution des services ne constitue à notre sens pas une réelle économie mais une perte indéniable de qualité dans les soins aux patients, ce que nous déplorons. Les tarifs des analyses de laboratoires ont déjà subi une baisse linéaire de 10% en 2006 sans que cela ne se répercute sur les primes des assurances maladie ni sur les coûts de la santé qui ont continué d’augmenter. Bon nombre de nos collègues TAB ont par contre perdu leur emploi à la suite de cette baisse de tarifs.
Selon nos calculs, tous les laboratoires de ce pays seront touchés par la nouvelle tarification avec des pertes allant jusqu’à 50% du chiffre d’affaires. Certains laboratoires privés ont déjà annoncé devoir réduire leurs prestations et leur personnel. Ce sont à nouveau les TAB qui vont faire les frais de cette décision!
Nous tenons enfin à préciser que tous les professionnels du domaine du laboratoire estiment nécessaire la mise à jour des tarifs des analyses en raison de l’évolution technologique, mais ils rejettent la nouvelle tarification en raison de son manque de réalisme et de sa méconnaissance de la pratique quotidienne. I
* Présidente de la section romande Labmed, association professionnelle suisse des techniciennes et techniciens en analyses biomédicales.
* Présidente de la section romande Labmed, association professionnelle suisse des techniciennes et techniciens en analyses biomédicales.