Deux Constituantes et après ?
Il y aura donc seize femmes à l’Assemblée Constituante genevoise. Il ne s’agit pas ici de commenter la décision de Solidarités, mais bien de poser la question de la réalisation de la parité et des moyens dont on se dote pour y parvenir.
Avec les quotas de listes, avec la promotion dans les partis des candidatures féminines, nous avions voulu ouvrir des opportunités aux femmes afin qu’elles soient représentées au même titre que les hommes dans les enceintes politiques. Cette stratégie a montré ses limites. Nous y avons cru. Après l’échec de l’élection à la Constituante, nous ne pouvons plus y croire. Et ce ne sont pas des corrections a posteriori, comme celles effectuées par Solidarités, qui changent le problème de fond. Il s’agit aujourd’hui de renverser le paradigme et de tabler sur une parité de résultats plutôt que sur une hypothétique égalité des chances, qui ne fait avancer ni la cause des femmes, ni celles des hommes.
En plaçant trois femmes, dont deux femmes en tête de liste, parmi les cinq premiers de leur liste, les Verts et Associatifs ont voulu reconnaître la nécessité d’avoir une forte représentation féminine au sein de la Constituante et les résultats de notre parti, quatre femmes sur les dix personnes élues, ont, peut-être, validé ce choix. Il n’en demeure pas moins que l’objectif de la parité ne peut être atteint par des «quotas sur les listes» ou d’autres «mesures positives» et la parité elle-même est chose trop importante pour être laissée aux seuls partis.
La parité relève d’un projet de société reconnaissant la même place aux deux genres humains, masculin et féminin. Elle implique l’accès égal des hommes et des femmes aux responsabilités professionnelles, sociales et politiques. Le processus de refonte de la Constitution genevoise nous donne l’occasion d’ancrer la parité dans ce nouveau texte fondamental.
Au sein de notre parti, un groupe de femmes a préparé un texte sur cette question qui sera encore discuté par le groupe Equité dans le cadre de notre programme pour le Grand Conseil. Nous prônons d’inscrire dans la nouvelle Constitution une exigence quant à la composition de l’autorité, à savoir que toutes les autorités élues de la république et canton de Genève soient constituées pour moitié de femmes et d’hommes. Il s’agit en réalité d’une règle supplémentaire dans la mise en oeuvre de la démocratie représentative, au même titre que le quorum, la représentation proportionnelle, les listes de partis, les apparentements, etc.
Que cela signifie-t-il concrètement? S’agissant des élections au Grand Conseil, l’application du principe impliquerait que cinquante sièges soient occupés par des femmes et cinquante par des hommes. L’ensemble des règles électorales demeureraient identiques. Les partis resteraient libres de présenter le nombre de candidats et candidates qu’ils souhaitent. Il n’y aurait plus de concurrence entre hommes et femmes, mais entre hommes, d’une part, et entre femmes, d’autre part. Cette proposition permettrait de mettre fin aux discussions sur les «femmes alibis» ou sur la parité sur les listes et de sortir enfin du débat stérile sur les quotas. L’électeur, quant à lui, conserverait toute sa liberté de vote, le scrutin restant de «liste». Je laisse aux lecteurs le soin d’effectuer une simulation en appliquant notre proposition aux élections du Grand Conseil 2005 et d’apprécier les intéressants résultats individuels que la parité aurait générés… C’est toute la dynamique des travaux du Grand Conseil, les carrières politiques des unes et des autres, autant que la vie des institutions qui seraient, à nos yeux positivement, modifiées.
Genève saura-t-elle innover? L’histoire de notre pays regorge d’exemples prouvant le rôle majeur des cantons dans l’évolution des droits fondamentaux et de la démocratie au plan fédéral. Nous sommes convaincues et convaincus que notre proposition aura le mérite, au moins, de sortir le débat sur la parité des officines de partis ou d’associations pour l’étendre à la population genevoise, voire ailleurs en Suisse, et au mieux, de constituer une avancée significative de notre démocratie. I
* Membre de l’Assemblée Constituante, Verts et Associatifs.
La liste «Verts et associatifs» (n° 3) comptait, sur 39 candidat-e-s, 19 femmes pour 20 hommes. Les femmes ont remporté 4 sièges, sur 10 au total.