Contrechamp

DEUX CONSTITUANTES DE PLUS, ET APRÈS?

GENÈVE – Pour favoriser la représentation des femmes à la Constituante, Solidarités y a placé deux candidates non élues*. Réactions des socialistes et des Verts – les seuls partis avec Solidarités à avoir présenté des listes visant la parité.

Grands furent la surprise et le choc le 19 octobre: 14 femmes élues, pour 66 hommes, ceci cinquante ans après l’introduction du suffrage féminin à Genève – en 1960 – et dans une société où les femmes sont aujourd’hui, heureusement, très présentes, dans de plus en plus de métiers et de responsabilités.
Comment a-t-on pu en arriver à un tel écart entre «pays légal» et «pays réel», à un tel recul? En réalité, il n’y a pas que les femmes qui soient gravement sous-représentées. D’autres catégories, tels les jeunes, les personnes d’origine étrangère, sont quasi absentes. Pourtant, elles étaient bel et bien sur les listes électorales. Ainsi le Parti socialiste avait présenté une liste intitulée Socialiste-Pluraliste, comptant 40% de femmes et des candidat-e-s d’origine étrangère.

Que s’est-il passé? Toutes les réactions vont dans la même direction:
– La thématique de la révision de la Constitution provenait d’un petit cercle d’intellectuels, de professeurs de droit, de spécialistes de la chose publique. Il n’y avait pas de mouvement large. Certes, le 24 février, dans le sillage de votations portant sur les chiens dangereux ou la fumée passive, 80% des votants, avec une participation de 60%, les citoyens ont dit oui au principe d’une assemblée constituante. Mais cela ne garantit pas encore une participation à la suite.

– De plus, la problématique se présentait sous un jour touffu (un aspect dense) et global. Il n’y avait pas de découpage en thèmes permettant d’entrer dans du concret: Combien de communes? Combien de députés? Un gouverneur à Genève? Quels droits économiques et sociaux concrètement, et avec quels effets pour l’Etat, pour l’individu? Quelle rénovation de la vie publique, du débat? Beaucoup de concepts, pas grand chose qui parle au citoyen, à la citoyenne de base.

– Le débat est resté confiné dans le cercle des personnes intéressées traditionnellement à la chose publique, aux vieux routiers des débats politiques. Hommage à eux et à elles, mais cela ne fait pas encore une majorité.
Si bien que, le soir du 19 octobre, la Constituante avait le visage de ses électeurs. Mâles, de bonne famille, éventuellement protestants, blanchis sous le harnais. Avec l’avantage de la civilité, de l’expertise, de la volonté de construire. Même adversaires, ils se connaissent, se sont longtemps pratiqués. Bref, des «Sages», condamnés à réussir!

Première leçon: on ne mobilise que si on arrive à vulgariser. Et cela, aucune liste n’y est parvenue.

Deuxième leçon: les jeunes et les femmes doivent être interpellés spécifiquement. Pour les élections cantonales de 2009, il appartiendra aux partis de promouvoir clairement les femmes et les jeunes. A cet égard, il ne faut pas présenter trop de vieux routiers, car on ne peut pas vouloir tirer profit de leur notoriété, puis regretter qu’ils devancent des candidat-e-s moins connu-e-s! Il s’agit aussi, par exemple, comme ont su le faire les Verts, de désigner une femme comme tête de liste.

En attendant, faut-il faire comme Solidarités, qui a établi artificiellement la parité après coup? Personnellement, je trouve la décision de ce parti à la fois courageuse et ambiguë. Courageuse, car ce n’est pas évident de renoncer à un mandat pour lequel on vient d’être élu, et, pour les «viennent-ensuite», de renoncer à l’éventualité d’un tel mandat. Ambiguë, car en principe, en démocratie, quand le peuple a parlé, on lui laisse le dernier mot. C’est en connaissance de cause que le peuple – tout au moins la partie du peuple qui a bien voulu s’intéresser à l’enjeu – fait son choix. Est-ce légitime de désavouer ce choix? De le corriger après coup?

Les Socialistes n’ont pas voulu aller si loin. Ils ont à la fois regretté la composition de l’assemblée élue et félicité leurs élus et leur élue. Il est préférable de bien préparer les échéances de l’an 2009, et la mobilisation des femmes est à cet égard une donnée essentielle, et de mandater la Constituante pour corriger les situations mêmes qui ont amené la composition qui est la sienne! Et des mécanismes tels que les quotas devront être inscrits dans nos mécanismes électoraux. I

* Président du Parti socialiste genevois.

La liste «Socialiste-Pluraliste» (n° 7), composée de 40 candidat-e-s, comptait 16 femmes pour 24 hommes. Sur 11 sièges remportés, un seul l’est par une femme.

Opinions Contrechamp René Longet

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