Une femme médecin qui n’a pas eu peur de se mouiller
Savoir qu’elle était sportive, pratiquait la marche ou l’escrime quotidiennement ne vous dira pas qui elle est, pas plus que le fait qu’elle ait écrit divers romans ainsi qu’une pièce de théâtre sur Henri Dunand. Ses différences et ses qualités sont ailleurs. Elle refusait les positions sectaires qui voulaient que les principes des uns s’appliquent aux autres au risque de les obliger à vivre un enfer. Gabrielle Perret-Gentil était médecin dans une Suisse qui autorisait l’avortement lorsqu’il permettait d’écarter un danger impossible à traiter autrement et qui menaçait la vie de la mère ou sa santé de façon grave et permanente. Elle est née en 1910 et elle a été une des premières femmes à préparer une maturité classique au Collège Calvin. Elle voulait être chirurgien. Or, en ce début de XXe siècle, le moins que l’on puisse dire est que les médecins femmes n’avaient pas la cote. Aussi imagine-t-on aisément quelles ont dû être ses difficultés… C’est d’ailleurs pour cela qu’elle a ouvert sa propre clinique dans laquelle elle a notamment procédé à très nombreux accouchements.
Dans l’Europe de l’époque, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) était soumise à des législations très sévères reflétant les positions religieuses qui faisaient de l’avortement un crime. La législation suisse très progressiste a donc permis à de nombreuses femmes de réaliser des interruptions de grossesse dans de bonnes conditions. Toutes n’étaient pas des étrangères car beaucoup d’entre elles venaient des cantons catholiques. Les hommes politiques genevois de l’époque ont pris peur et ont tenté de rendre l’IVG plus difficile pour les non suisses. Gabrielle Perret-Gentil s’est opposée de toutes ses forces à cette mesure discriminatoire, sans beaucoup de succès d’ailleurs. C’est à cette époque qu’elle écrit son premier livre Avortement et contraception (1968) qui traite de cette problématique et qui n’a pas pris une ride: elle préconise d’abord la contraception.
Cette femme courageuse n’avait pas peur de se mouiller en faveur de la libéralisation de l’interruption de grossesse, contrairement à ses collègues masculins qui la pratiquaient aussi… mais en douce, dans des cliniques privées à des prix prohibitifs. Elle disait: «Être pour ou contre l’avortement n’a pas de sens, personne n’est pour; l’avortement est une véritable plaie sociale, mais sa répression est plus qu’une erreur, c’est une catastrophe. Le fait d’autoriser l’avortement ne concerne en aucune façon les femmes qui sont contre. Peut-être sont-elles lésées dans leur sens moral ou religieux mais rien ne les oblige elles-mêmes à se faire avorter…».
A sa manière, Gabrielle Perret-Gentil, par son courage, a su aider les femmes à leur libération en leur permettant de choisir d’enfanter ou non et c’est pourquoi elle mérite qu’une rue porte son nom. S.W