TRAVAILLER PLUS OU S’ENDETTER
D’abord une mise au point. Est-ce à l’Etat de payer les pensions dues? Cette question nous a souvent été posée depuis le début de notre recensement de situations, suite au changement de la loi sur les avances et le recouvrement des pensions alimentaires dans le canton de Genève1. Il est vrai que les parents sont prioritairement responsables des conditions de vie de leurs enfants. Mais l’Etat lui aussi est soumis à des obligations: la Convention sur les droits de l’enfant exige des pays signataires, dont la Suisse, que «le droit de chaque enfant à un standard de vie conforme à son développement physique, psychique, spirituel, moral et social soit garanti» (Art. 27 CDE).
Or le nouveau droit du divorce, entré en vigueur en Suisse depuis janvier 2000, néglige la garantie du minimum vital de l’enfant. En cas de moyens financiers insuffisants, le minimum vital pour le parent débiteur de contributions alimentaires – souvent le père – est garanti et c’est aux ayants droit – donc souvent à la mère – d’entreprendre des démarches auprès des services concernés, tels que le service d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA) ou l’aide sociale. Les pères, de leur coté, n’ont pas de soutien dans l’exercice de leur devoir d’entretien.
Faire prendre conscience d’une réalité
A Genève, que se passe-t-il? L’Association des familles monoparentales ainsi que l’antenne romande de la Fédération suisse des familles monoparentales sont débordées par des demandes de renseignements et d’aides financières, et perçoivent le ras-le-bol et l’isolement de ces familles qui jonglent entre travail, éducation et ménage.
Il devenait urgent de faire connaître cette réalité à nos députés et c’est pour cette raison que, depuis fin septembre 2007 jusqu’au début de l’été 2008, un sondage est distribué à toutes les familles monoparentales concernées.
En réponse à notre demande, le SCARPA et l’Hospice général nous donnent des informations. Ainsi, le SCARPA, à fin 2007, gérait 3436 dossiers – «chiffre presque identique à celui des années précédentes». Le nombre de personnes touchées par la modification de la loi s’élève à 1471. Pour 25% d’entre elles – donc pour 361 familles –, cette modification n’a eu aucun impact, «en raison du fait que la pension alimentaire était mensuellement payée par le débiteur».
L’Hospice général, jusqu’à fin octobre 2007, a dû compléter la prestation du fait de la fin des avances SCARPA à 159 personnes qui bénéficiaient d’une aide de ce service avant le changement de la loi. A cette même date, 40 nouvelles personnes non bénéficiaires ont également obtenu une aide de l’hospice.
Ces chiffres correspondent à notre première analyse de situation sur le terrain. Les responsables de familles monoparentales travaillent en moyenne entre 50 et 80%. Leur salaire moyen, souvent inadéquat, se situe entre 3200 francs et 4500 francs, est en dessus des barèmes de l’Hospice général, donc pas d’aide possible.
Entre manque d’argent et de disponibilité
Comment se débrouille-t-on avec une perte sèche d’environ 600 francs par enfant et par mois, somme qui, nous le savons, ne couvre pas les besoins de ces derniers?
La plupart nous disent que la seule solution à envisager est d’augmenter, si on le peut, le temps de travail, pour pallier le manque à gagner, ou de s’endetter. Cela signifie surtout être moins disponible pour les enfants, et cela est inacceptable.
Nous ne sommes pas les seuls à être concernés par ce sujet, puisque la Commission fédérale pour les questions féminines, en collaboration avec la Conférence suisse des institutions sociales (CSIAS), ont axé leur journée nationale du 6 mars 2008 sur le thème «la pauvreté après le divorce».
En ce qui nous concerne, notre collecte de témoignages continue. En 2008, 220 nouvelles familles seront touchées par la nouvelle loi. Merci de remplir ou faire remplir notre questionnaire. I
* Fédération suisse des familles monoparentales.
1 Genève a accepté en juin 2006 la modification de la loi sur l’avance et le recouvrement des pensions alimentaires (LARPA). Depuis, les avances sur pensions non payées, dont le montant était auparavant limité mais non la durée, sont restreintes à trois ans. Pour évaluer l’impact de la nouvelle loi sur la situation des familles concernées, l’Association des familles monoparentales de Genève (AFM), épaulée par la Fédération suisse des familles monoparentales (FSFM), s’est lancée dans un recensement des cas sur le canton, via un questionnaire. Le document est téléchargeable sur le site internet de l’AFM, www.afm-geneve.ch
Renseignements: Fédération suisse des familles monoparentales (FSFM), case postale 1265, 1227 Carouge, tél: 022 342 33 40, e-mail: fsfm@bluewin.ch
Vanessa Aubert, Association des familles monoparentales, (AFM), 27 rue Lamartine, 1203 Genève, tél: 022 344 11 11, e-mail: info@afm-geneve.ch